Assise au cœur de la forêt automnale, elle contemplait les couleurs mordorées de la forêt baignée dans la lueur flamboyante du soleil levant. Les teintes vermeilles et marronées se mêlaient au jaune éclatant des feuilles qui doucement se mourraient. Ça et là résistaient quelques pointes de vert clair, contrastant avec l’émeraude profond des sapins. Dans le ciel bleu pâle de l’aurore s’étalaient de petits moutons rose orangé éclairés par les rayons timides de l’astre du jour qui émergeait de son sommeil.
Dans une volonté de graver dans son être cet instant magique, elle ferma les yeux et inspira à plein poumons. Elle sentait la petite brise fraîche qui venait vivifier l’air sec et piquant de l’aube, celui qui vous fait sentir toute la pureté environnante. Elle sentait la froideur du rocher sur lequel elle était posée. Elle entendait le bruissement doux des feuilles, le pépiement joyeux des oiseaux, les craquements des petits rongeurs qui devaient filer à toute allure, le bruit clair du petit ruisseau qui coulait en contrebas. Elle vivait l’éveil d’une nature encore engourdie par la nuit.
Rouvrant les paupières, elle tomba nez à nez avec un renard. La petite bête rousse la regardait mi-curieuse, mi-méfiante. Elle soutint son regard, sans bouger. Dans ses yeux, elle voyait la force brute de la terre, l’instinct sauvage animal fondu dans la douceur de l’être qu’on apprivoise avec du temps et de la patience. Il semblait à la fois puissant et vulnérable, dans son ancrage au monde et sa curiosité d’en sortir.
Soudain un craquement le fit détaler. Elle sortit alors le nez de son écharpe et souffla sur le thé brûlant qui réchauffait ses mains raidies par le froid matinal. Son livre était posé à côté d’elle, ouvert sur la pierre. Les pas se rapprochaient et une voix grave et chaude se vit entendre tandis qu’une main se posait sur son épaule.
-Qu’est-ce que tu lis ?
-Le monde. Je lis le monde.