Ici les petits passages réalisés en ateliers d’écriture, des morceaux d’écrits qui se baladent pour l’instant sans se rattacher à quelque chose de particulier.


Le pas lourd et pesant, le visage caché par une masse de boucles rousses, Helen marchait, tête baissée, vers ce qui se destinait à être les derniers moments de sa courte vie. Sur son passage, des huées, des cris, des injures, des crachats. La foule, présente, pressante, oppressante, se faisait plus dense et plus compacte, au fil des minutes qui s’écoulaient à la fois lentement et terriblement vite. En passant devant les premiers rangs, elle croisa le regard de sa pauvre mère, bipolaire, qui passait du rire aux larmes. Un des spectateurs l’alpagua :

-Sorcière ! Tu vas brûler sale chienne !

Des larmes brûlantes coulaient sur ses joues tachetées. Elle ne voulait pas. Elle n’avait pas le choix. Le bûcher était là. Il l’attendait. Implacable. Helen monta, résignée, se laissa attacher sans résistance. Elle posa ses yeux verts éclatant sur l’assemblée, qui se tut d’un coup. Une étincelle jaillit. Un éclat de rire incontrôlable s’échappa de sa poitrine et immobilisa tous ceux qui assistaient au spectacle. Les flammes commencèrent à lui lécher les orteils, avant de se propager sans vergogne à son corps. La douleur devint insupportable et son rire se mua en cri inhumain qui fit saigner les oreilles de chaque personne présente sur la place. Puis ce fut le noir.


-T’aurais dû voir son roulage de pelle ! Une torture ! On aurait dit qu’il cherchait à faire le plus de tour à la minute, l’en-fer !

-Qu’est-ce que tu veux grognasse, les clients c’est la loterie hein.

-Ouais bon. Enfin, t’avoueras quand même que généralement, on n’a pas le haut du panier. Parce que le haut du panier il a pas besoin de nous pour ça.

Alice, ayant fini de tracer un trait noir sur le bas de sa paupière recula pour admirer le travail. Parfait. Le maquillage provocateur à souhait, la robe noire moulait son corps qu’elle savait tout à fait désirable et les talons réhaussaient sa fine silhouette, donnant l’impression d’une longueur de jambes interminable. Son amie de toujours, Carole, termina d’enfiler ses bas résille et vint se poster à côté d’elle, apparaissant à son tour dans le miroir.

-Tu vas voir cocotte, on va en débaucher quelques-uns encore ce soir. Et avec le temps qu’on a passé là, c’est des gros pourboires qu’ils vont nous laisser ces messieurs.

Le regard de la jeune femme se posa sur le bocal qui trônait sur un guéridon, empli de billet. Elle soupira. Bientôt, bientôt elle pourrait sortir de ce gouffre abyssal dans lequel elle était tombée et retrouver une vie normale. Qui sait peut-être partir à l’autre bout du monde, et repartir à zéro. Mais pour l’heure, il était temps de partir travailler, le soleil se couchait dans une lumière vespérale. Un dernier regard sur l’appartement et Alice verrouilla la porte, avant de rejoindre sa colocatrice qui l’attendait déjà en bas, prête à affronter le trottoir. Un soir de plus.


On y est. Le jour enchanteur synonyme de bonheur. Celui dont rêve tout à chacun pour de meilleurs lendemains. Un avenir à deux, un avenir radieux. Une apparente monogamie sans une once d’hypocrisie. On y croit à cette naïveté cynique, à cette rêverie diabolique. Une prison dorée dont on ne sort jamais. Enfermés dans un schéma de vie qui se répète à l’infini. Schéma imposé par une société, dont on ne veut pas, à laquelle on ne croit pas. Une perfection convulsée qui nous fait mourir étranglé. Asphyxié par un idéal qui ramène notre état animal. Liberté de fuir, liberté de dire, liberté d’écrire. Libre d’être ivre. Ivre de vivre.


Je rêve d’un temps rien qu’à nous. Un temps hors du temps, une bulle qui nous appartiendrait. Un temps de tendresse, un temps d’affection. Un temps de passion. Le frôlement imperceptible de nos lèvres l’une contre l’autre, nos visages si proches, dans cette joie de se retrouver. L’effleurement délicat de nos mains sur nos corps, impatients et avides l’un de l’autre, avides de volupté, prolongeant cette attente exquise qui nous rend fous de désir. Ce désir ardent qui brûle, nous fait précipiter davantage nos gestes, appuyer nos caresses, mettre nos corps à nu. Le plaisir de se voir, de se sentir, de s’admirer, de se découvrir, de redessiner encore ces lignes, ces courbes qu’on connaît déjà, du bout des doigts. Nos souffles plus courts plus rauques, nos baisers plus pressants. Nos corps entrelacés, entremêlés dans cette soif dévorante qui nous consumme. Nos mains, nos bouches partout, omniprésentes dans cette connexion naturelle qu’est la nôtre. Toi en moi, moi en toi. Toi avec moi, moi avec toi. Nous ensemble. Des gémissements, des râles, des cris. L’envie de cette symbiose qui se fait plus forte plus imposante. Elle est vitale. Cette pression qui monte, qui nous fait nous unir de manière puissante, sauvage, incontrôlée. Et soudain la jouissance, extrême, intense, partagée. En harmonie. Toi, moi. Ensemble. Nous. Puis, dans le silence, nos coeurs battant la chamade, nos respirations saccadées, nos corps tremblants, envahis par l’émotion. Nos bras serrés l’un sur l’autre pour ne pas se perdre, jamais. Nos fronts qui se rejoignent nos lèvres qui se joignent dans une tendresse infinie. Dans le silence, cet amour étourdissant qui résonne encore et pour longtemps.